Le texte qui suit est extrait de SMART, ENQUÊTE SUR LES INTERNETS, publié en 2014 chez Stock. Ce livre est en cours de traduction dans une vingtaine de pays. Le chapitre qu’on va lire ci-dessous est mis en ligne en accès libre gratuitement – pour une période de temps limitée –, compte tenu des élections législatives qui ont lieu en Israël prochainement. © Tous droits réservés.
« START-UP NATION ». L’expression est fameuse et désormais associée à Israël. Dans ce petit pays de huit millions d’habitants à peine, on recense plus de start-ups que dans la plupart des pays développés : Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Chine, Inde ou Japon. Le nombre de start-ups par habitant y est même plus élevé qu’aux États-Unis, et Israël arrive en deuxième position en ce qui concerne le nombre d’entreprises cotées au Nasdaq. Comment expliquer ce « miracle » israélien ?
Le boulevard Rothschild, au cœur de Tel-Aviv, offre une illustration grandeur nature de cette « start-up nation » (l’expression a été popularisée depuis 2009 par un essai intitulé Start-Up Nation, The Story of Israel’s Economic Miracle). Artère historique de la ville, avec ses maisons de style Bauhaus des années 1930, Rothschild est devenue une vitrine bobo avec ses restaurants trendy et ses cafés gay friendly. Tout y est très fluide, mobile, et le wifi systématiquement gratuit. Lorsqu’on lève les yeux depuis l’avenue, on aperçoit des immeubles de verre ultramodernes : c’est là que près de six cents start-ups ont élu résidence (selon le site mappedinIsrael.com qui les recense). « Ce phénomène ne s’explique guère. Israël est un pays qui a peu de ressources naturelles, nous devons tout inventer par nous-mêmes. L’innovation et l’entrepreneuriat sont des conditions de survie. Ensuite, il y a l’armée qui a joué un rôle déterminant dans l’écosystème technologique. Enfin, il y a notre lien à l’Amérique : tout le monde rêve d’avoir sa start-up rachetée aux États-Unis », souligne Benny Ziffer, rédacteur en chef d’Haaretz, le principal quotidien israélien, que je retrouve au coffee-shop Arcaffe sur le boulevard Rothschild. Écrivain israélien réputé, Ziffer dirige le supplément littéraire du journal et il tient aussi un blog populaire sur la télévision.
En 2013, Waze – prononcez Ways –, une application israélienne innovante qui offre une carte routière géolocalisée, mise à jour par les internautes (qui y signalent eux-mêmes les bouchons, les stations-service, les radars, les policiers ou les accidents), a étérachetée par Google pour plus de un milliard de dollars. La même année, Facebook a mis la main sur la start-up Onavo, spécialisée dans la gestion des frais de transmission de données par téléphone mobile. En 2012, Face, un logiciel de reconnaissance faciale, a également été racheté par Facebook, pour un montant estimé à 60 millions de dollars. Ces trois belles réussites israéliennes, parmi beaucoup d’autres, illustrent le degré d’innovation du pays et le dynamisme de ses industries technologiques de pointe, qui représentent 40 % de son économie.
« Les start-ups qui ont développé Waze, la première messagerie ICQ, ou GetTaxi sont israéliennes. C’est cela le modèle et le succès israéliens : la start-up nation », se réjouit Nitzan Horowitz, lorsque je le rencontre dans le célèbre restaurant Brasserie sur la place Yitzhak-Rabin de Tel-Aviv, à deux pas de l’endroit où l’ancien Premier ministre a été assassiné. Il pourrait ajouter à sa liste Viber, Outbrain, Conduit, YNet ou même Google Suggest, la fonction de saisie semi-automatique de Google, qui ont été également imaginés en Israël.
Chemise en jean, les yeux verts, le député Nitzan Horowitz, 49 ans, incarne la nouvelle gauche israélienne, encore en devenir. En 2013, il était le candidat de la gauche à Tel-Aviv pour les municipales (et malgré ses 50 000 « likes » sur Facebook, il a été finalement battu). Horowitz, né près de Tel-Aviv dans une famille ashkénaze d’origine polonaise, conserve une grande affection pour l’État d’Israël des origines : le parti travailliste du fondateur de la nation, David Ben Gourion, le parti de gauche Mapam, le grand syndicat Histadrut (dont il est membre). Il me dit être fasciné par le partage, la solidarité, le sens de la communauté en Israël, ce qu’incarnent pour lui, par exemple, les nouveaux kibboutz urbains qui fleurissent aujourd’hui dans les villes.
Au cours de notre déjeuner, Horowitz me vante « l’esprit innovateur israélien », la formation éducative de haut niveau des universités israéliennes, comme le Technion, l’importance « déterminante » d’internet qui est un véritable « eldorado » pour un petit pays très isolé. Il estime que le succès d’Israël dans les nouvelles technologies est également lié à l’armée : « C’est un résultat inattendu de nos contraintes de sécurité. La tragédie du conflit au Proche-Orient a forcé le pays à investir pour préserver son avantage militaire sur les armées voisines. Dans cette situation, l’armée et la société civile sont entrelacées. Notre mission aujourd’hui, c’est d’utiliser ces nouvelles technologies et les res- sources scientifiques d’Israël au bénéfice de la paix », souligne le député.
Le service militaire est obligatoire en Israël, pour les hommes comme pour les femmes, durant trois ans vers l’âge de 18 ans, suivi d’un mois comme réserviste chaque année jusqu’à 45 ans. « C’est le modèle du “peuple-armée” de Ben Gourion. L’armée et la société civile sont indissociables », confirme Benny Ziffer. Les étudiants-ingénieurs effectuent leur service dans les unités technologiques de l’armée, par exemple dans l’unité d’élite baptisée Talpiot ou dans la célèbre Unité 8 200, une sorte de NSA israélienne spécialisée dans la guerre électronique, la cryptographie et le chiffrement, les virus et antivirus. (On soupçonne cette unité d’avoir codéveloppé les virus Flame et Stuxnet, ce dernier ayant endommagé les centrifugeuses iraniennes.)
Les hackers, les geeks et la plupart des fondateurs de start-ups sont passés par ces unités de Tsahal – les forces armées israéliennes –, qui améliorent ainsi ses performances technologiques. « Passer par une unité d’élite de Tsahal, c’est un peu comme faire Harvard ou Stanford, confirme Ziffer. Revenus dans le civil, ils fondent des entreprises en ayant acquis une formation informatique unique au monde. S’agit-il de la patrie ? Ils s’enrôlent. S’agit-il de l’innovation ? Ils expérimentent. S’agit-il de l’entreprise ? Ils investissent et veulent réussir. Le « peuple-armée » et l’esprit d’entreprise, tel serait le secret de la « start-up nation ».
À TEL-AVIV, lorsque je visite les locaux de différentes sociétés du boulevard Rothschild, je découvre tout un écosystème composé d’entreprises mondialisées, de start-ups épaulées par des subventions publiques pour la R&D (recherche & développement) et d’une articulation constructive avec des universités de recherche d’excellence. Pour l’avocat Adi Niv-Yagoda, spécialiste des ques- tions numériques dans le domaine de la santé, « le succès de la “start-up nation” s’explique par la qualité de l’enseignement supé- rieur en Israël et, plus profondément, il prend racine dans la culture juive qui donne la priorité à l’éducation ». Le manque de res- sources naturelles jouerait aussi en faveur du pays, qui n’aurait d’autre solution, selon Niv-Yagoda, que « de se tourner vers le capital humain, l’innovation et la créativité pour se développeraussi vite que possible ». L’avocat remarque aussi qu’il y a de nombreux fils d’immigrés russes dans les start-ups du boulevard Rothschild, dont beaucoup sont arrivés avec la vague du début des années 1990. « Le modèle israélien est un mélange très singulier d’individualisme et de sens collectif, d’initiative, d’audace, d’inventivité et de volonté de réussir », résume Benny Ziffer de Haaretz.
Ziffer me propose de l’accompagner à Haïfa et, de là, en Galilée, à Nazareth. Nous nous rendons aussi à Saint-Jean-d’Acre, Jérusalem et Jaffa, et je découvre partout avec lui, du sud au nord d’Israël, la vitalité des entreprises technologiques. Le modèle de la « start-up nation » ne se résume pas à une ville, c’est un esprit national. On l’appelle d’ailleurs, expression générale qui ne s’appuie sur aucun territoire spécifique, la « Silicon Wadi » – Silicon Valley en hébreu.
À Haïfa, dans le nord d’Israël, cet esprit s’incarne dans une université : l’Institut israélien de technologies, plus connu sous le nom de Technion. C’est dans les laboratoires de recherche du Technion qu’ont été inventés la carte mémoire, les messageries instantanées, le système de défense aérienne antimissile (baptisé Dôme de fer) ou encore la micro-irrigation (qui permet par un arrosage au goutte à goutte d’économiser l’eau dans les zones arides). Avec ses 13000 étudiants, dont un tiers d’étudiants- chercheurs, c’est un campus moderne qui rappelle les universités MIT ou Stanford, ses modèles américains. Comme elles, le Technion est connecté aux grandes entreprises high-tech, telles Intel, IBM, Microsoft ou Yahoo, qui ont des bureaux à proximité du campus. Et je suis surpris de voir dans les cafés tous ces jeunes ingénieurs travailler sur leurs ordinateurs portables en rêvant à leur future start-up, comme si la ville endormie de Haïfa avait été réveillée par les technologies. C’est ce que me confirme d’ailleurs Yona Yahav, le maire travailliste de la ville. Lui-même est un lieutenant-colonel de Tsahal et il a accompagné le développement de sa ville dans le numérique. Il reconnaît que Haïfa est « le moteur du développement technologique du pays » mais sait que les start-ups ont tendance à s’installer ailleurs, sur le boulevard Rothschild à Tel-Aviv, dans le business center d’Ackerstein Towers à Herzliya, dans la ville de Be’er Sheva, dans le parc technologique de Har Hotzvim à Jérusalem ou autour des campus de Google ou Microsoft près de Tel-Aviv. La « start-up nation » confirme qu’on peut innover partout, sur un campus lointain, dans un kibboutz ou une colonie du désert, mais que les jeunes entrepreneurs préfèrent les quartiers bobos des villes. Une règle qui se vérifie à San Francisco comme sur le boulevard Rothschild de Tel-Aviv.
Ce qui me frappe également à Haïfa, c’est l’immigration. « Une nation d’immigrants est, par définition, une nation d’entrepre- neurs », me dit l’écrivain Sami Michael, qui préside l’Association israélienne des Droits de l’homme, et avec lequel je dîne dans un restaurant de Haïfa. Alors que la plupart des pays veulent limiter l’immigration, Israël la valorise. « Quand les chiffres baissent certaines années, les gens sont inquiets », précise Michael. Si les sabras – les Juifs israéliens nés en Israël – sont très nombreux dans le secteur high-tech, on ne compte plus les start-ups fondées par des immigrés russes, anglais ou argentins. Et puis, il y a les Arabes israéliens, qui comptent pour 20 % des étudiants du Technion. « Les Arabes sont très dynamiques ici, à Haïfa. On leur doit une partie du développement du pays. On doit compter avec eux », ajoute Sami Michael.
Selon mes interlocuteurs Yona Yahav, Sami Michael ou Benny Ziffer, d’autres facteurs peuvent aussi expliquer ce succès israélien. Il y aurait cette qualité, baptisée « chutzpah », que l’on prête aux Israéliens. Ce terme yiddish, dérivé de l’hébreu, peut se traduire par « audace », « courage » ou, quelquefois, « impertinence ». « C’est l’idée qu’on pense en dehors des modèles et ici on dit souvent : “Thinking outside the box” », me dit le maire de Haïfa. Ainsi, les idées non conventionnelles, l’originalité, l’expérimentation seraient encouragées. Une culture non-hiérarchique, un sens plus informel des relations de travail, et une tolérance forte aux expérimentations et à leurs échecs sont d’autres explications avancées par mes interlocuteurs. D’autres encore préfèrent penser que l’une des clés est le « mesugalut », un autre mot hébreu qui renvoie, me dit Ziffer, « à ce mélange de responsabilité individuelle et d’esprit d’entreprendre propre aux Israéliens ».
Mais ici encore, au Technion de Haïfa, les subventions du gouvernement et les financements des forces armées israéliennes (IDF) sont massifs. Les exonérations fiscales sont nombreuses pour les entrepreneurs, et l’agence Tamat, qui dépend du ministère de l’Économie, finance les jeunes start-ups. « Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a beaucoup investi sur la sécurité numé- rique, sur la cyber-guerre », concède le député Nitzan Horowitz, qui est pourtant l’un de ses opposants politiques les plus vocaux. Il ajoute cependant : « Mais si on mettait ces technologies au service de la paix et de la réconciliation, ce serait non seulement plus digne, mais aussi plus porteur économiquement. Le potentiel régional est énorme. » Plutôt que de mettre l’accent sur la cyber- sécurité, Horowitz, qui dirige le lobby pour la coopération régionale à la Knesset, le Parlement israélien, préfère penser au développement économique de la région : « Nos voisins en Jordanie, en Égypte, et surtout les Palestiniens, aspirent à participer à cette révolution numérique mondiale. Israël peut jouer sur ce sujet un rôle déterminant. » Il y a bien un versant positif et un versant négatif d’internet, et une partie de la gauche israélienne, par optimisme peut-être, aimerait privilégier le facteur cyber-paix sur le facteur cyber-guerre.
« Le rêve de toute start-up, c’est d’être rachetée par les Américains », insiste toutefois Benny Ziffer, confirmant ainsi l’inexorable américanisation d’Israël. En interviewant plusieurs historiens israéliens, Ephraïm Barschmuel, Ilan Halevy, Simon Epstein et Tom Segev, à Tel-Aviv et Jérusalem, j’ai été convaincu que l’État hébreu est en train de quitter le modèle collectif, celui des kibboutz et du socialisme de Ben Gourion, et se tourne de plus en plus vers un modèle américanisé, avec ses valeurs individualistes et pragmatiques. Nulle part cette proximité n’est plus visible que dans le numérique. Les deux pays semblent s’influencer l’un l’autre. Et si on dit parfois, sur le ton de la boutade, qu’Israël est le cinquante et unième État américain, dans le domaine digital ce n’est pas si faux.
C’est ce que pense aussi Gael Pinto, critique culturel de Haaretz. Pinto, que j’interviewe au siège du journal à Tel-Aviv, constate que cette américanisation d’Israël est pratiquement achevée et qu’elle ne suscite plus guère de critiques : « Il n’y a pas de débat ici sur l’impérialisme américain ou sur la domination des États-Unis : c’est un fait. On est tellement américanisés que ce n’est plus un débat » (depuis notre entretien Pinto est devenu une star de Big Brother Israël à la télévision). Un de ses collègues du même journal, le célèbre historien Tom Segev, a écrit un livre sur cette américanisation culturelle d’Israël. En atteste, me dit-il, le fait qu’Israël est aujourd’hui une « start-up nation » comme les États-Unis. Le titre du livre de Tom Segev, qu’il m’offre, parle de lui-même : Elvis in Jerusalem.
C’EST UNE COLONIE ISRAÉLIENNE, comme une autre, au cœur de la Cisjordanie. Banale, avec ses check-points et la protection de Tsahal. Je m’y rends avec Amira Hass, la seule journaliste juive israélienne vivant dans les territoires palestiniens, ce qui lui a valu les plus grands prix et des éloges internationaux. Ses reportages pour Haaretz sont généralement favorables aux Palestiniens et elle s’est spécialisée dans le décryptage minutieux, presque scientiique, de la colonisation israélienne en marche dans les territoires. Pourtant, cette figure de gauche, radicale s’il en est, a eu égale- ment de nombreuses altercations avec l’Autorité palestinienne, dont elle a souvent dénoncé l’incurie, la gabegie et la corruption. Je constate que le pare-brise de sa voiture est troué, sur la gauche, d’impacts de balles. Et à son rétroviseur est accroché, sorte de porte-bonheur, un pendentif de Che Guevara. « Je suis très critique aussi avec les Palestiniens. On ne peut pas dire que tout est la faute des Israéliens », insiste Amira Hass, dont la douceur dissimule une révolte intacte.
Avec elle, je me retrouve donc dans une colonie juive, au milieu de la Palestine. C’est un campement de pionniers israéliens, qui rappelle sans doute l’époque des premiers kibboutz, où la collectivité faisait pousser des oliviers, des eucalyptus et des tomates dans le désert. Un drapeau israélien flotte au vent sur le settlement – on dit aussi « outpost » en anglais. Une grue Caterpillar encombre le passage. Un colon juif nous reçoit, et je suis frappé par sa virilité languide et ses grosses mains de travailleur (je tais ici son nom et celui de la petite colonie car il est une des sources de la journaliste Amira Hass et ne souhaite pas être identifié). C’est un « bitzu’ist », un mot hébreu qui signifie à la fois un bâtisseur, un pragmatique et un homme qui arrive à réaliser ses projets. Autour de nous, il y a plusieurs ventilateurs qui font un bruit continu dans le bureau, un livre barbouillé de langues mortes et une station de radio CB reliée à l’armée israélienne.
L’homme est travailliste – de gauche –, ce qui atteste que le mouvement des colons n’est pas seulement le fait d’illuminés d’extrême droite ultra-orthodoxes. Ce serait plutôt, ici, un retour aux sources du sionisme. Les enfants des kibboutz ont été rem- placés par les enfants des colonies. Et, au fond, Israël n’est-il pas, par nature, cette société d’immigrants revenus « dunum après dunum » (pas à pas) sur une terre ? 550 000 Israéliens habitent aujourd’hui dans les territoires palestiniens (entre 2009 et 2013 leur nombre a augmenté de 18 %). « La colonie est dans la nature d’Israël. Elle fait partie de son identité. C’est peut-être ça en fin de compte, Israël », me dira, d’un ton saturnien, Amira Haas.
Dans ce settlement, les technologies sont omniprésentes. Je vois des antennes paraboliques, une station wifi très sophistiquée. Il y a partout des ordinateurs et l’homme utilise constamment de multiples sites internet et des applications géolocalisées, dont Waze. Il se sert aussi de Viber. Dans cette colonie israélienne, comme dans la colonie juive du centre d’Hébron, plus au sud, que je visite également, je suis frappé par l’esprit des colons : le sens de l’aventure, l’optimisme originel, le goût de l’absolu, la confrontation à la nature. Vues du côté israélien, leurs raisons sont aussi claires qu’elles apparaissent obscures du côté palestinien. Dans l’adversité, ils prennent des risques : ils savent qu’ils peuvent perdre leur maison – et peut-être la vie – mais ils restent là, en terrain hautement hostile. Et internet, du coup, plaît à ces nouveaux zélotes : il fait d’Israël non plus un territoire bordé d’ennemis, mais une terre de conquête avec ses start-ups « risk taking » et ses smart cities. Internet est une nouvelle frontière. « Israël est un pays jeune, comme internet », me dit le colon, en me lançant un regard peu caressant.
L’esprit de la « start-up nation » est peut-être là, dans son essence même. Et comme les pionniers du Far West et du Wild Wild West américains, il est ce mélange d’audace et de conquête, incarné par des hommes qui prennent tous les risques et s’embar- rassent peu de scrupules pour suivre leur idéal. En Israël comme en Californie, ce Wild Wild West s’appelle aujourd’hui World Wide Web.
(* Le texte qui précède est extrait de SMART, ENQUÊTE SUR LES INTERNETS, publié en 2014 chez Stock. Ce livre est en cours de traduction dans une vingtaine de pays. © Tous droits réservés. ]