Par Frédéric Martel (ZHdK University)*

Ce texte inédit en français est publié pour la première fois comme préface de l’ouvrage Mainstream (réédition en poche, collection Champs-Flammarion, publiée en juin 2020). Ce texte a été publié pour la première fois en anglais par l’université ZHdK à Zurich (le PDF en français et en anglais ici). Les deux versions français et anglais sont similaires, malgré quelques légers remaniements. Les étudiants et les lecteurs les plus « académiques » trouveront à la fin de ce texte la bibliographie intégrale qui n’a pas pu être éditée, compte tenu du nombre important de références, dans le livre Mainstream. (Tous droits réservés)

Résumé – Abstract

Cet article tente de décrire la situation de la « politique culturelle » à un moment de réinvention fondamentale. La transition numérique a métamorphosé la culture, mais les politiques de la culture tardent à s’adapter à cette nouvelle donne. A partir d’une recension des principaux ouvrages et études publiés ces dernières années, l’article décrit cette mutation fondamentale de la politique culturelle du fait de la transition digitale, mais s’intéresse aussi aux autres mutations en cours, depuis la montée en puissance des industries culturelles jusqu’à la question de la diversité culturelle, sans oublier la transition écologique. En fin de compte, l’article constate un élargissement de la notion de « politique culturelle » et décrit ses différentes – et nouvelles – composantes actuelles : la politique artistique, l’économie de la culture et les industries culturelles bien sûr, mais aussi la politique digitale et la régulation des plateformes ; la nouvelle philanthropie ; l’éducation artistique ; l’algorithmie ; les villes créatives ; les réseaux sociaux ; les start-ups culturelles ; la diplomatie culturelle ; la classe créative ; le soft power etc. Ce faisant, cette approche élargie de la « politique culturelle » peut contribuer à une nouvelle réflexion sur le rôle des acteurs publics et privés et la place des artistes dans une société digitale.

Mots clés – Keywords

politique culturelle ; art ; créativité ; innovation ; régulation ; industries culturelles ; numérique ; politique numérique

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* Frédéric Martel est professeur (économies créatives) à l’Université des arts de Zurich, ZHdK. Il est « academic director » du Zurich Centre for Creative Economies (ZCCE) à l’université ZHdK. Il est l’auteur d’une dizaine de livres, dont De la Culture en AmériqueMainstream et Smart. Il anime chaque semaine l’émission « Soft Power, magazine des industries créatives et du numérique » (France Culture, Radio France).

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I N T R O D U C T I O N

 

La « politique culturelle » a longtemps été définie comme la politique publique en faveur de l’art. Selon les mots célèbres d’André Malraux, écrivain et premier ministre de la Culture français, la politique culturelle et le ministère qui lui était dédié devaient avoir pour mission « de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent » (Malraux, 1959). Peu après, en 1965, le gouvernement américain choisit, lui aussi, de créer une agence culturelle fédérale, le National Endowment for the Arts qui vise également à protéger « l’art qui est le plus précieux héritage de la nation [car] c’est dans nos œuvres d’arts que nous révélons à nous mêmes, et aux autres, la vision intérieure qui nous guide en tant que nation. Et quand il n’y a pas de vision, le peuple périt » (Loi NEA, voir : Martel, 2006).

Dans les deux cas, comme ce fut vrai également dans d’autres pays à la même période (Durrer/Miller/O’Brien, 2019), le gouvernement intervient directement ou indirectement pour financer les arts avec ce double souci de « rendre accessible » ou de « protéger » la culture, et de le faire au service de l’intérêt national (Feder/Katz-Gero, 2015). Cette dimension nationale, sinon patriotique, fut au cœur même des politiques culturelles : c’est encore le cas aujourd’hui, par exemple à travers les débats récurrents sur « l’identité nationale » ou l’ « exception culturelle » (Martigny, 2016).

Pour « publiques » et « nationales » qu’elles fussent, les politiques culturelles ont connu toutefois, alors même qu’elles commençaient à se développer, des inflexions majeures dans ces deux termes (Rosenstein, 2019). D’une part, la politique culturelle a été élargie précocement aux activités conduites, au-delà des seuls gouvernements et des États centraux, par les collectivités locales, à tous les niveaux administratifs existants (länder en Allemagne ; États, counties et villes aux États-Unis ; régions, départements, agglomérations et villes en France etc.). Bientôt, elle a été pensée plus largement encore jusque dans ses interactions avec l’éducation, la diplomatie et la politique de la ville ou même à travers les actions menées par les philanthropes et les mécènes, voire par les entreprises.

Si le caractère de politique « publique » ne reflète plus qu’imparfaitement l’ampleur et l’ambition des politiques culturelles, leur dimension « nationale » non plus. C’est au niveau européen, sinon international (G7, G20, OCDE, OMC), que sont imaginées aujourd’hui les régulations des géants de l’Internet par exemple.

A cela, il faut bien sûr ajouter la prise en compte de l’économie de marché par les politiques culturelles. Historiquement réticentes à considérer les industries culturelles dans leur dimension artistique, les acteurs des politiques publiques de la culture se les sont appropriées, initialement pour les réguler, ensuite pour favoriser l’économie, l’emploi, l’attractivité ou le tourisme, enfin pour tenter de bénéficier de leur « soft power ». Peu à peu, les industries de contenus sont donc apparues comme une dimension centrale des politiques culturelles.

Par ailleurs, le numérique est venu, depuis la fin des années 1990, transformer radicalement sinon les politiques culturelles, du moins la culture. Les acteurs publics et privés ont dû s’adapter à cette nouvelle donne. Une part importante des travaux des chercheurs se situent désormais dans ce domaine.

Cet élargissement du concept de politique culturelle (Bennett, 2019), la prise en compte des industries culturelles, la formidable transition numérique en cours et la globalisation de la culture (Durrer, 2019b) ont donc contribué à l’extension des champs académiques de cette discipline qui, ancrée originellement dans les sciences sociales, se nourrit également ou s’étend désormais à la science politique,  l’économie, le droit, les « media studies », l’anthropologie ou même le management (Durrer/Miller/O’Brien, 2019). Peu à peu, et alors même que le monde de l’art et des artistes était en train de changer radicalement, la politique culturelle est devenue, tout en empruntant ses références aux autres sciences sociales, une discipline à part entière.

 

I – Des politiques culturelles nationales en mutation

 

A peine était-elle imaginée comme champ d’intervention, définie comme discipline ou rattachée à un secteur d’activité économique à part entière, la politique culturelle s’est donc trouvé affecté par des transformations aussi majeures que rapides. Avant même la grande « disruption » du numérique et d’Internet dans le secteur culturel, à partir de la fin des années 1990 (Martel, 2014), la culture a été transfigurée par le développement des industries culturelles et créatives, la mondialisation des contenus, le « soft power », alors même que de nombreuses études suggéraient déjà les « ratés » de ces jeunes politiques culturelles en terme de pratiques, de participation et d’éducation artistique.

L’articulation entre l’État, le secteur à but non lucratif et le marché fut – et demeure – un thème central de la réflexion sur la politique culturelle, parfois nourri par les travaux majeurs des philosophes (Nussbaum, 2010 ; Sandel, 2012). Le « bon » niveau d’intervention publique (Fédéral, État, Régions, Départements, Counties, Villes etc.) fait l’objet de nombreux travaux (Rosenstein, 2018), de même que la définition des missions précises de l’État : financement et subventions, fiscalité et déduction fiscale, régulation et certification, ou simple évaluation.

L’avènement d’une dimension « industrielle » dans le champ culturel est ancien (Starr, 2004) et il a fait l’objet de critiques dès ses origines. L’École de Francfort, par exemple, qui a défini l’expression « industrie culturelle » (kulturindustrie), qu’ils préféraient à celle de « culture de masse », en a proposé une critique radicale (Adorno/Horkheimer, 1947 ; Adorno/Horkheimer, 1972 ; Benjamin, 1935 ; Throsby, 2001). En étant produite à grande échelle, et de manière industrielle, la culture aurait perdu son « aura » – cette argumentation forte a contribué à séparer durablement le monde de l’art de celui de l’économie, du moins en Europe où cette distinction a fait école, notamment face à l’industrie américaine du divertissement. Ce débat complexe est venu se superposer à celui opposant la politique culturelle publique du marché, celle-ci étant assimilée abusivement à l’entertainment ou à la culture de masse, celle-là à l’art (Pratt, 2009). Cette manière de penser n’est plus pertinente aujourd’hui quand les dimensions économiques des domaines de l’art, y compris les arts visuels et le spectacle vivant, sont mieux connues, alors que les dimensions artistiques des industries culturelles sont valorisées – et, ce faisant, les deux domaines se rejoignent. Et forment un secteur culturel à part entière.

Relues à l’aune de l’histoire de la culture de masse depuis la guerre, de l’influence du cinéma américain et des réalités économiques et culturelles contemporaines, ces analyses post-marxistes, ancrées dans les débats anti-totalitaires des années 1940 et 1950, frappent aujourd’hui autant « par la force de leurs intuitions que par leur myopie » (Traverso, 2012). Si elles demeurent intéressantes pour l’époque, elles témoignent d’un aveuglement idéologique et, en fin de compte, d’un conservatisme, par exemple sur le jazz (Adorno, 1932 ; Adorno, 1936), la photographie (Pratt, 2009) ou le cinéma (De Baeque/Chevallier, 2012).

Les critiques d’Adorno, Horkheimer ou Benjamin furent en tout cas prémonitoires. Depuis les années 1970, les travaux sur les industries créatives et culturelles se sont multipliés : ils attestent de la montée en puissance des conglomérats médias et d’entertainment et, dans le cas américain, de leur tendance hégémonique. De nombreux chercheurs ont su analyser les nouvelles caractéristiques de ces industries de contenus, d’une manière globale (Auletta, 1997 ; Caves, 2000 ; Throsby, 2001) ou selon les secteurs concernés : dans le cinéma (Balio, 1986 ; Epstein, 2005 ; Stewart, 2005 ; Price, 2008 ; Epstein, 2010), la musique (Dannen, 1991 ; Rossman, 2012), la télévision (Blumenthal/Goodenough, 2006 ; Edgerton/Jones, 2008), comme dans l’édition (Epstein, 2001 ; Borsuk, 2018) et même le spectacle vivant et le théâtre commercial (Baumol/Bowen, 1966 ; Rich, 1998).

Avant même l’arrivée d’Internet, ces chercheurs ont tenté de décrire des industries qui n’avaient plus rien à voir avec l’âge d’or des « studios » ou des « majors » du disque. Ainsi de la globalisation de la culture (Miller/Govil/McMurria/Maxwell, 2001), de l’importance de l’innovation (Pratt, 2009), du rôle du « prototype » qui distingue les industries de contenus des autres industries (Peters, 2016), de la centralité du « content » et de la valeur que représente le copyright (Caves, 2000), de l’impératif de régulation (Einstein, 2004 ; Rosenstein, 2019), de la montée en puissance du phénomène des blockbusters (Shone, 2004 ; Stewart, 2005) ou encore de l’atténuation du « star system » classique avec le rôle accru des agences de talent (Epstein, 2010). En s’intéressant au fonctionnement des « majors » de la musique, des « studios » de cinéma ou de jeux vidéo, des groupes éditoriaux et plus généralement des conglomérats médias, ces chercheurs ont décrit la nouvelle organisation des industries de contenus entre structures capitalistes dominantes et structures satellites – « imprints », « labels » ou « specialized units » – très autonomisées voire indépendantes (Balio, 1986 ; Auletta, 1997 ; Biskind, 1998 ; Pratt, 2009 ; Martel, 2010). Pour une large part, les détenteurs des moyens de production, ces géants qui possèdent ces industries de contenu, n’ont aujourd’hui qu’une influence limitée sur les contenus produits. Ils sont devenus des banques qui s’intéressent aux résultats financiers pus qu’au « content ». Les « studios » ne sont plus centralisés (comme à l’âge d’or d’Hollywood) mais battis sur un « mode projet », décentralisés, comme le confirment par exemple les relations entre le japonais Sony et son studio Sony Pictures ou le français Universal et sa branche musicale américaine – une « déliaison » qui vient contredire une partie des postulats de l’École de Francfort (Pratt, 2009 ; Martel, 2010). Enfin, dans la lignée de la « nouvelle vague » et des Cahiers du cinéma en France dès les années 1950, de nombreux chercheurs, à rebours des jugements pessimistes des auteurs de l’École de Francfort et d’une partie importante de l’élite européenne, ont montré l’indéniable créativité, la spectaculaire innovation et le projet artistique de ces industries de contenus contemporaines (Johnson, 2005 ; Martel, 2010). Et, ce faisant, ils ont également montré le rapport original que ces industries entretiennent avec le secteur à but non lucratif américain, et notamment l’écosystème universitaire (UCLA, USC, Tisch School/NYU, CalArts etc).

Ces travaux sont particulièrement nombreux sur les industries de contenus aux États-Unis, mais ils existent également dans de nombreux pays, comme par exemple en Inde (Bose, 2007 ; Grimaud, 2003), au Japon (Iwabuchi, 2002), en Chine (Durrer/Miller/O’Brien, 2019), en Corée (Hong, 2014), au Royaume-Uni et en Australie (Durrer/Miller/O’Brien, 2019), aux Pays-Bas (Compendium of Cultural Policies & Trends) ou encore en Suisse (Gerig/Sondermann/Weckerle, 2008) ce qui pourrait confirmer des tendances globales. En définitive, les critiques d’Adorno et Horkheimer portaient sur un modèle d’ « industrie culturelle » qui n’existe plus aujourd’hui, ni aux États-Unis, ni dans la plupart des pays européens.

Parallèlement à cette montée en puissance des industries culturelles et créatives, de nouveaux travaux se sont attachés à étudier l’impact de ce secteur dans l’économie générale et son influence internationale. Pour discutables qu’ils puissent être – et ils furent d’ailleurs critiqués –, les ouvrages de Richard Florida sur la « creative class » ont eu le mérite de montrer l’importance de la « culture » et des industries créatives dans le développement économique et la vitalité des villes américaines (Florida, 2002) ou au niveau européen (Taylor/Davies/Wells/Gilbertson/Tayleur, 2015) ou international (Florida, 2005 ; Glaeser, 2012). Aujourd’hui, les maires des grandes villes globalisées et les gouvernements de nombreux pays (et jusqu’à Xi Jinping en Chine) pensent la culture en terme d’attractivité, de tourisme et d’influence, c’est à dire en termes de diplomatie culturelle et donc de « soft power ». A l’âge numérique, ces travaux seront approfondis par toute une génération de chercheurs sur les « smart cities » et les « villes créatives ».

On doit à l’universitaire et ancien ministre américain Joseph Nye d’avoir imaginé le concept de « soft power », appelé à un bel avenir (Nye, 2004). Cette idée néo-gramscienne sera élargie par la suite autour du « smart power », à la fois pour tenir compte de la question d’Internet, et pour affiner une analyse qui compte à la fois des éléments d’influence « soft » mais aussi, parfois, et entremêlés, certaines dimensions de contrainte « hard » (Nye, 2011). Dans la lignée de ces travaux, certains auteurs ont pu prolonger la réflexion dans une perspective de diplomatie culturelle (Weckerle, 1999 ; Henze/Wolfram, 2014 ; Ang/Raj Isar, 2016 ; Fregonese, 2019) ou de diplomatie tout court (Zakaria, 2008 ; Khanna, 2008 ; Power, 2019). En fin de compte, qu’elle soit infra-locale ou globale, la politique culturelle existe à toutes les échelles.

L’investissement massif dans la culture depuis les années 1980, tant par les gouvernements (comme par exemple en France) ou par les philanthropes et le secteur à but non lucratif grâce à des déductions fiscales consenties par l’État (par exemple aux États-Unis), ne s’est toutefois pas traduit par une amélioration décisive des pratiques culturelles sur la même période. Dès les années 1960, des travaux majeurs avaient montré les difficultés de la tâche (Bourdieu, 1964 ; Bourdieu, 1979), lesquels ont été confirmés depuis par les études sur les pratiques culturelles tant en France (Donnat, 2009), en Europe (Weckerle, 1994 ; Falk/Katz-Gero, 2016 ; Katz-Gero, 2017 ; KEA, 2019) qu’aux États-Unis (Martel, 2006 ; Novak-Leonard/Reynolds/English/Bradburn, 2015 ; Rosenstein, 2019). Certains auteurs, qui se sont nourris des discussions plus générales sur l’efficacité des politiques publiques (Osborne/Gaebler, 1992), ont pu analyser à cette aune le secteur culturel (Urfalino, 1996 ; Grand, 2016).

Par conséquent, après ce constat d’échec, une partie des réflexions sur les politiques culturelles se sont finalement attachées à repenser la question au point de départ : l’éducation. Les travaux sont nombreux dans ce domaine de l’éducation artistique et de la « participation », que ce soit en fonction de l’âge ou des milieux sociaux, ou en termes de pratiques amateurs ou d’ « outreach ». Un important défi pour le futur sera le développement de formations et de curriculum universitaires pour former les professionnels de l’éducation artistique et pour repenser les modèles d’enseignement de la culture en interraction avec les évolutions du secteur culturel, ses politiques et les modèles économiques des artistes. Un autre défi sera celui des pratiques amateurs et de ce qu’on appelle aux États-Unis « social practices » et ailleurs « art participatif », « art collaboratif » ou « collective art practices » (Bourriaud, 1998 ; Kester 2011 ; Jackson, 2011 ; Bishop, 2012). Un aggiornamento paraît ici inévitable surtout depuis l’avènement d’Internet.

 

II – Les politiques culturelles à l’âge numérique

 

Dire que la culture a connu une importante « disruption » du fait du numérique depuis les années 2000 serait un euphémisme. Tous les secteurs de la culture ont été, à des degrés divers, transformés par l’arrivée d’Internet. Cette mutation fondamentale concerne tant les modes de production que les modes de diffusion, de communication et de marketing de la culture, mais aussi les pratiques du public, sa capacité d’attention et la concurrence sur son temps de loisir disponible, ou encore le jugement des critiques – et jusqu’au futur des institution artistiques qui semblaient les moins susceptibles d’être affectées par la transition numérique comme les musées ou les ballets (Giridharadas, 2014 ; Lohr, 2014). Il s’agit d’une transformation radicale, sans doute la plus importante qu’ait connu l’art et la culture depuis leur « reproductibilité technique » (Negroponte, 1995 ; Bauman, 2002 ; Schmidt/Cohen, 2013). Ce qui est nouveau : l’obsolescence d’une approche nationale ou seulement publique de la culture d’une part ; la multiplication des liens qu’entretient la culture avec les pratiques économiques et le marché d’autre part ; et enfin le renforcement des deux phénomènes précédents par la transition numérique (Martel, 2014). Voici le monde dans lequel nous entrons.

Depuis les années 2000, la politique culturelle connait donc dans la plupart des pays occidentaux une métamorphose, bien que ses acteurs aient durablement hésité à se remettre en cause ou que les chercheurs aient tardé à proposer des modèles alternatifs. Pourquoi ? Pour une large part, l’idée qui a longtemps prévalu chez les responsables des politiques culturelles publiques, dans les fondations ou même dans le secteur des industries culturelles et les médias, était une méfiance, sinon un rejet, du numérique. On a d’abord voulu croire que ce serait une mutation passagère, ou qui ne serait pour la culture qu’un épiphénomène. Puis, à mesure que la transition numérique s’affirmait et s’intallait dans la durée, l’enjeu fut de contrôler ou de réguler Internet pour « protéger » la culture. Et ainsi, certaines industries – en tout premier lieu la musique – ont perdu de précieuses années.

Si ces attitudes de méfiance ou de rejet restent encore prégnantes aujourd’hui, des pans entiers de la culture ont fait leur mue numérique et de nombreux acteurs, souvent plus jeunes, ont défendu des positions positives vis-à-vis d’Internet. Le web a été pensé en termes d’opportunités, non plus seulement en terme de menaces. On assiste même depuis à des tentatives de « refondation » de la politique publique pour tenir compte du numérique (Lescure, 2013 ; Davies, 2016c) même si, pour l’heure, les nouveaux modèles stables tardent à émerger et à être définis.

Il est donc intéressant de passer ici en revue les principaux travaux publiés sur la question numérique, dès lors qu’ils ont un rapport avec les politiques culturelles, et, dans ce champ très vaste en transformation, de tenter d’en faire apparaître des lignes directrices.

 

Aux origines d’Internet

Dès le départ, il est intéressant de signaler que plusieurs travaux qui s’inscrivent dans une perspective historique et retracent la naissance d’Internet, ou de ses acteurs, ont insisté sur l’importance et l’influence de l’art et de la culture dans cette innovation majeure. Cette dimension peut être étudiée sous deux angles : en retraçant les innovations digitales qui ont été portées par des figures contre-culturelles, par exemple les hippies dans la Silicon Valley et en décrivant celles qui ont été faites par des « créatifs » autant que par des scientifiques (Levy, 1984 ; Himanen, 2001 ; Turner, 2006 ; Blais/Ippolito, 2006 ; Martel, 2014).

Dans la même veine, plusieurs travaux ont montré le rôle de la politique publique dans la genèse de la révolution numérique, que ce soit par le biais de financements directs ou indirects, via les universités de recherche (Brand, 1987 ; Etzkowitz, 2002 ; Moss, 2011 ; Mazzucato, 2013 ; Martel, 2014). L’imbrication avec les télécommunications a également été étudiée (Blum, 2012). Enfin, l’éthique hacker, qui s’est construite en opposition à « l’éthique protestante du capitalisme », a fait l’objet de travaux intéressants (Himanen, 2001 ; Lallement, 2015).

Plus largement, certains chercheurs ont mis en évidence le fait que l’innovation et la créativité étaient au cœur du processus numérique ou du développement des services digitaux, ce qui le rapprochait donc de la culture au sens large. Pour toutes ces raisons, le secteur du numérique et les acteurs de l’Internet ont été peu à peu assimilés au domaine des « industries culturelles et créatives » (ICC) et ses acteurs intégrés au cœur même de la « classe créative » (Florida, 2005 ; Blais/Ippolito, 2006). On comprend mieux de ce fait comment les termes du débat ont changé et sont passés, dans les discours et les politiques publiques depuis les années 1960, d’une discussion axée sur l’art à une discussion centrée sur les industries culturelles, avant de l’être dans les années 1990 sur « les industries créatives » et enfin, dans les années 2000, sur « l’économie créative » (Throsby, 2001 ; Pratt, 2009 ; Policy Research Group, 2013).

Les conditions de production

 

Une partie intéressante des travaux publiés ces dernières années concerne l’analyse de la grande transformation de la production du « content » à l’âge numérique. Hier, les contenus culturels étaient des « produits culturels » (cultural goods) ; en l’espace de deux décennies, ils sont devenus des flux, des streams, des formats, des services, du « content ». Ce passage des produits physiques aux services immatériels est une mutation considérable (Epstein, 2010 ; Martel, 2014). Ce faisant, en passant des industries aux services, il a également imposé une évolution des concepts : des « industries créatives » à l’ « économie créative ».

L’analyse des processus de production des industries culturelles et créatives, qui intègrent désormais le secteur numérique, s’en est trouvé fortement renouvelée. Réapparaissent dans ce processus de production des éléments propres aux industries créatives en général (expérimentation, R&D, prototype, prise de risque, importance du « content », articulation major/start-up, fonctionnement en projets, économie du copyright etc.). Mais de nouveaux aspects ont été agrégés, comme le mode d’organisation en start-up, le droit à l’échec, la socialité, la scalabilité, la participation, le crowdfunding, la customization, la sérendipité, la neutralité du web, l’open source, les pures-players etc. (Martel, 2014). Une importante littérature existe sur cette mutation décisive, bien qu’elle ait eu tendance, du fait de sa nouveauté, à se diffuser d’abord sous la forme d’études, de rapports officiels ou d’articles académiques plus que d’ouvrages (Jallet, 2017 ; Berger, 2018).

Bien sûr, les dynamiques de ce secteur capitalistique ont fait également l’objet de critiques, en particulier dans la dimension hégémonique des GAFA. Leur puissance reste d’ailleurs sous-estimée, comme le montre par exemple Amazon dont l’hégémonie se situe moins dans son réseau de distribution physique, pourtant déjà impressionnant, que dans son « cloud » dématérialisé – un mot que la société de Jeff Bezos a contribué à populariser en lançant, dès 2006, son Elastic Compute Cloud ou EC2. Aujourd’hui, Amazon Web Services, le service de stockage de données dans plus d’un million de serveurs connectés entre eux et en temps réel, constitue le premier cloud au monde (Gilder, 2006 ; Kakutani, 2013 ; Stone, 2013). Les particuliers ont accès gratuitement à Amazon Cloud Drive pour stocker leurs documents, images, sons et vidéos (le service est payant au-delà de 5 Go). Quant aux professionnels, ils utilisent des capacités de stockage illimitées, au point que Netflix et Dropbox, pourtant des concurrents, et même le jeu vidéo Fortnite ou la célèbre National Security Agency (NSA), ont recours aux serveurs d’Amazon Web Services. A cela, il faut bien sûr ajouter les activités de distribution culturelle numérique (Amazon Prime, Amazon Music Unlimited, Kindle), celles de « market place » qui agrègent des millions de vendeurs indépendants (par exemple pour les livres de seconde main) et la production de contenus propres (auto-édition, séries télévisées etc.), toutes choses qui donnent à Amazon un avantage concurrentiel important dans le domaine culturel. Les abus de position dominante sont inévitables avec une telle hégémonie – et d’ailleurs actuellement scrutés ou déjà sanctionnés par des régulateurs américains ou européens. En fin de compte, ces infrastructures spectaculaires d’Amazon, combinées à celles de Google, Apple ou Microsoft, accompagnent l’avènement de la culture dématérialisée : non plus l’achat de « produits » culturels mais le seul usage de « services » par abonnement illimité via le cloud.

Certains auteurs ont tenté une critique d’ensemble des industries culturelles comme « marchandises », parfois avec une certaine artificialité (Boltanski/Chiapello, 1999 ; Boltanski/Esquerre, 2019) : si ces ouvrages ont eu le mérite de tenter de saisir les « nouvelles formes du capitalisme » et d’en renouveler la critique, « critique artiste » et « critique sociale » mêlées, elles ne s’appuyaient pas nécessairement sur une connaissance fine des subtilités des secteurs créatifs étudiés.

 

Les pratiques

 

S’agissant des pratiques culturelles à l’âge numérique, celles-ci ont connu depuis le début des années 2000 une transformation profonde dont on peine, encore aujourd’hui, à mesurer tous les effets – et ce d’autant plus que nous sommes encore au cœur de cette longue disruption.

De nouvelles tendances ont émergé dans les pratiques de consommation culturelle, parmi lesquelles on peut signaler, sans chercher à être exhaustif, celles qui s’appuient sur de nouveaux usages (la participation, le collaboratif, le multitasking, les échanges peer to peer, le binge watching, la playlist, la viralité), celles qui bénéficient de nouvelles technologies (le streaming, l’OTT, le replay, le podcast et l’écoute à la demande), celles, enfin, qui s’élaborent à partir de nouveaux modèles économiques (l’abonnement illimité) – bien qu’il soit encore difficile de dire si ces tendances vont être transitoires ou plus pérennes. (Activate Technology & Media Outlook, 2020, prédit une forte progression du streaming et des abonnements illimités).

Ces évolutions affectent les artistes, le public mais également les établissements culturels qui se sont eux-mêmes lancés de leur côté, dans une transformation à l’heure digitale : par exemple la San Francisco Symphony a fait précocément du numérique sa priorité avec une plateforme dédiée, des podcasts, des concerts online, une chaîne YouTube, un MOOC, une web-radio, des jeux vidéo, un site expérimental à visée pédagogique (sorte de Khan Academy pour la musique classique) et, bien sûr, un chef d’orchestre, le communicatif Michael Tilson Thomas, qui est omniprésent sur les réseaux sociaux. De nombreux autres exemples existent, depuis la « timeline » active de l’histoire de l’art du MET jusqu’aux plateformes d’éducation artistique pour les écoles du Chicago Symphony Orchestra. Dans tous les cas, les institutions culturelles tentent d’engager une « conversation » avec leurs publics (Levere, 2015 ; Giridharadas, 2014).

D’une manière générale, les consommateurs traditionnellement passifs sont devenus plus actifs : ils « participent », réagissent et commentent sur les réseaux sociaux, aiment tel ou tel contenu – ou pas (Peters, 2016). Ils partagent même du « content » massivement, parfois en marge de la légalité (Peters, 2016). Le « multitasking » est un phénomène également bien étudié (Activate Technology & Media Outlook, 2020). On sait également que les plus gros consommateurs de culture en ligne, ceux que certaines sociétés de conseils appellent les « Super Users », et qui sont souvent les plus jeunes, les plus éduqués et qui appartiennent à des catégories sociales élevées, se révèlent être aussi ceux qui sortent le plus fréquemment à des évènements « live » à l’extérieur ; particulièrement loyaux, ils sont encore les plus susceptibles de faire des dons aux artistes qu’ils aiment (Activate Technology & Media Outlook, 2020).

Le streaming, qui a été rendu possible par la connexion permanente des ordinateurs, des tablettes et des smart-phones, par le développement de « clouds » de plus en plus puissants, rapides et de moins en moins chers, et par l’augmentation des débits avec l’avènement de la 3G, la 4G et bientôt la 5G, semble appelé à s’inscrire dans la durée (Peters, 2016 ; Ruparelia, 2016). Son corollaire, l’abonnement payant illimité, popularisé dans la musique par Spotify (ainsi que par Deezer, Tidal, Apple Music, Amazon Music Unlimited, Qobuz et dans une moindre mesure Pandora), dans le secteur du cinéma et de la télévision par Netflix, et désormais dans le jeu vidéo (Twitch, Stadia, abonnements PlayStation ou Xbox, et maintenant Apple et Google) ou le livre (Amazon Prime, Scribd ou Oyster), constitue une mutation également majeure (Wu, 2013 ; Keating, 2013 ; Auletta, 2014). Face à Netflix, les principaux conglomérats de l’entertainement s’organisent et devraient disposer d’offres propres rapidement : Disney+ vient d’être lancé, incluant certains programmes du network ABC ; une plateforme HBO Max sera lancée (en prolongement de HBO Now) ; un autre projet existe au sein du groupe Warner Media appartenant à AT&T, qui inclut les réseaux CNN, CW, et donc HBO, ainsi que le studio Warner Bros ; une nouvelle plateforme est en projet chez Paramount/CBS (en prolongement de CBS All Access) ; de même, un projet connu sous le nom de Peacock est en finalisation chez NBC-Universal ; enfin, il n’est pas à exclure, que le japonais Sony (Sony Pictures, Sony Music, Columbia etc.) développe son service, bien qu’il ne dispose pas de network télévisé aux États-Unis. En terme de pratiques, il demeure une interrogation sur la capacité des ménages à multiplier les abonnements à ces services « verticaux » si les contenus ne sont disponibles que sur une plateforme dédiée. Certains analystes prédisent que la SVoD se développera parallèlement à des services moins ambitieux et qui s’appuyeront sur la publicité.

Dans la musique, l’offre reste au contraire « horizontale » (Spotify, Apple Music, Deezer), les majors n’ayant pas réussi à imposer leurs « verticales ». On peut également noter, dans ce secteur, et contrairement au cinéma ou à la télévision, la place singulière des GAFA : Apple Music, Google Play Music, YouTube Premium et Amazon Music Illimited ont une importante part de marché dans le secteur, mais le leader reste l’européen Spotify, alors que les « indépendants » n’arrivent pas à s’imposer (Pandora, Qobuz et Tidal sont en difficultés ; SoundCloud est dynamique mais reste sur un marché de niche).

Dans tous les cas se pose la question des monopoles, bien qu’on puisse distinguer de « bons » ou de « mauvais » monopoles : Netflix ou Spotify ont le projet d’offrir tous les contenus, indépendamment des studios ou des majors qui les produisent ; Disney veut créer un environnement fermé ; les GAFA luttent contre toute concurrence pour des raisons liées, en partie, au retour d’investissement de leur actionnariat.

L’écoute à la demande (délinéarisée) est un autre phénomène transversal, que ce soit pour la télévision ou la radio : le replay et le podcast s’imposent, sauf pour les grands évènements « live » (sport, The Voice, Academy Awards, Arab Idol etc.) ou malgré quelques rares contre-exemples (plateforme Pluto.tv de Viacom). L’importance prise par les playlists dans le secteur de la musique illimitée, qui remplacent l’album et les LP/EP de l’époque, est également intéressante. En revanche, la sortie en une seule fois de la saison entière d’une série télévisée, modèle expérimenté par Netflix à ses débuts, et qui a favorisé le « binge watching », est contredit par d’autres stratégies. Ainsi, le phénomène Games of Thrones, avec une sortie différée de chaque épisode et un succès au long cours, apparaît comme un autre modèle économique pour fidéliser le public sur des offres d’abonnements illimitées en streaming.

En fin de compte, Internet et les réseaux sociaux contribuent à modifier la hiérarchie culturelle, parfois renversée upside-down par le numérique, ou, à tout le moins, fragmentée et individualisée – une sorte de « flexible individualization of taste » (Poprawski, 2015). De nombreux chercheurs ont montré l’atténuation de la distinction entre culture populaire et culture de l’élite – une rupture qui aurait eu lieu aux États-Unis entre les lois Johnson sur l’immigration, en 1965, et la décision « Bakke » de la Cour Suprême autour de la diversité culturelle, en 1978 (Dworkin, 1978 ; Wood, 2003 ; Schuck, 2003 ; Martel, 2006). Depuis, comme une riche bibliographie l’illustre, ce mouvement de fond majeur contribue à casser les hiérarchies (ou du moins à les fragmenter et les démultiplier) et, à rebours ici encore des idées de l’école de Francfort, à légitimer toutes les formes d’art en envisageant la dimension artistique d’Hollywood ou de Broadway, mais aussi de toutes les musiques – disco, électro ou rap inclus –, de la bande dessinée, le jeu vidéo, les mangas, les séries télévisées, le design (industriel et interactif), l’architectecture et jusqu’aux graffitis et tatouages (Crossick/Kaszynska, 2016). Il en va de même pour tout le secteur de la publicité qui n’est plus cantonné dans le « pay » – le commerce et les régies – mais redécouvre sa part créative, avec le « own » et le « earn », et remet en son centre la création de contenus. Les frontières entre art et entertainment s’étiolent. Ce mouvement qui n’est plus guère contredit s’étend également aux cultures régionales, à certaines formes d’artisanat ou à la mode et contribue à élargir continuellement la notion de culture et sa définition.

On peut également faire l’hypothèse que le numérique parachève cette tendance de fond, rebattant toutes les cartes et brouillant tous les codes. Ici, les frontières entre art et technique s’atténuent. Désormais, les ingénieurs du code, programmeurs de softwares ou créateurs de jeux vidéo sont fréquemment considérés comme artistes (Blais/Ippolito, 2006). Ainsi, la « culture geek » et l’ « éthique hacker » apparaissent comme le trait d’union décisif entre l’art et les industries créatives – à la fois indépendants et souvent indissociables de l’industrie digitale, et qui emportent avec eux les derniers résidus de la définition traditionnelle de l’ « art » (Levy, 1984 ; Himanen, 2001 ; Turner, 2006 ; Bradbury/O’Hara, 2019).

 

Smart-phone, réseaux sociaux et apps

 

Au-delà même du numérique et d’Internet, une autre transformation majeure du secteur culturel a eu lieu avec l’apparition d’un « device » original – le smart-phone. C’est peu dire que les industries créatives et culturelles ont été bouleversées depuis dix ans et l’apparition de l’iPhone le 29 juin 2007. Dans la foulée, les réseaux sociaux se développent, les « apps » deviennent centrales et la culture apparaît de plus en plus mobile. Comme avec le walk-man et l’iPod, mais avec une puissance décuplée, c’est toute sa vie culturelle que l’on transporte désormais avec soi dans son smart-phone.

Aujourd’hui, dans ce nouveau monde connecté, on accède à Internet principalement par un smart-phone (à plus de 60 %) et essentiellement via une « app » : chacun d’entre nous dispose en moyenne de 27 « apps » sur son téléphone mais passe en moyenne 80 % de son temps sur seulement cinq d’entre elles – dont au moins une appartenant à Google (Google, Google Maps, Google Play Music, Waze, YouTube) et une autre à Facebook (Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp). On constate donc à la fois la domination du smart-phone dans l’accès aux contenus Internet et une concentration accrue des acteurs (selon les données sur les consommateurs américaines du Wall Street Journal/Activate Technology & Media Outlook 2016 et 2020).

Il s’agit là d’un monde entièrement nouveau à décrypter pour le chercheur. Ses conséquences sur la sphère culturelle sont tout aussi décisives : certains auteurs se sont concentrés sur la question de la popularité et du branding des artistes ou des contenus culturels, sur la communication artistique sur les réseaux sociaux ou sur la nécessité de bien utiliser les techniques de marketing et d’optimisation de visibilité comme le SEO (Marantz, 2015 ; Jenkins/Green/Ford, 2013). D’autres ont mis en lumière les nouvelles pratiques artistiques liées aux réseaux sociaux (Paumgarten, 2014 ; Newton, 2016), l’usage massif de la culture en mobilité (Activate Technology & Media Outlook, 2020) ou ont montré l’émergence des nouveaux modèles économiques qui en découlent (Abbing, 2002 ; Martel, 2015 ; Erricojan, 2016 ; Davies, 2016b ; Weckerle, 2018 ; Martel, 2018) ; d’autres encore se sont intéressés au modèle de rémunération des artistes via le streaming illimité (Erricojan, 2016), à la question du payant et de la gratuité (Anderson, 2006 ; Anderson, 2009), à la transformation de la télévision par les réseaux sociaux (Proulx/Shepatin, 2012), ou encore aux nouvelles interactions qui en découlent (Christakis/Fowler, 2009).

La prescription et la « smart curation »

La prescription culturelle évolue également qu’elle s’adresse à des consommateurs encore passifs (audience « lean-back ») ou plus actifs. Si la fragilisation ou même la « mort » de la critique culturelle traditionnelle est bien documentée (Rosenbaum, 2011 ; Widmer/Kleesattel, 2018), les nouvelles prescriptions sont encore à décrypter. Les systèmes de « notation » et de « likes » prennent le relais, quoique très imparfaitement. Le fait que ces recommendations – et toute discussion critique sur la valeur d’une œuvre – soient désormais globales est une autre évolution aux conséquences significatives (Martel, 2014).

Dans une perspective critique, on peut noter la multiplication des travaux sur les algorithmes qui ne sont pas nécessairement agnostiques, contrairement à ce que leurs programmateurs peuvent parfois prétendre (Cardon, 2015 ; Peters, 2016 ; Gasser, 2019 ; Jean, 2019). L’algorithme de Spotify a été particulièrement étudié (Pasick, 2015 ; Finn, 2018), ainsi que celui de Netflix, avec ses 76 897 « micro-genres » (Madrigal, 2014). Certains auteurs ont également mis en lumière des phénomènes de « bulles » qui tendent à maintenir les consommateurs dans leur « zone de confort » culturelle (Pariser, 2011). Ce genre d’analyse, parfois simpliste, a néanmoins fait l’objet de remise en cause ou d’approfondissement (Gasser, 2019). L’importance des données dans la prescription sur les réseaux sociaux n’en représente pas moins un phénomène décisif.

Dans une perspective plus positive, et un registre prospectif, des auteurs ont montré la complexité des goûts musicaux (Gasser, 2019), le rôle du réseau amical et des connaissances sur les choix culturels individuels (par exemple pour Facebook : Christakis/Fowler, 2009 ; ou sur Twitter : Bilton, 2013), ou la transformation de la télévision à l’âge de la « Social TV » (Proulx/Shepatin, 2012). D’autres auteurs ont prédit les évolutions futures de l’algorithmie (Christian/Griffiths, 2016), l’importance des données dans la prescription sur les réseaux sociaux (Standage, 2013) ou exploré les possibles bénéfices de l’utilisation des big datas pour les industries de contenus (Mayer-Schönberger/Cukier, 2013). Certains auteurs tentent de comprendre comment la « machine » peut apprendre, notamment en ce qui concerne la curation et les recommandations au temps du « machine learning » (Alpaydin, 2016 ; Kelly, 2016 ; Finn, 2018 ; Kelleher, 2019).

Au carrefour de ces différentes approches, le concept de « smart curation » permet d’offrir une perspective à la fois algorithmique (le « smart ») et humaine (la « curation »). Développée à l’université ZHdK (Martel, 2015 ; Widmer/Kleesattel, 2018), cette approche a le mérite d’offrir aux hommes une reprise en main de leur vie numérique et de retrouver leur place au cœur du processus créatif et de prescription. De nombreux outils de recommandation mettent en œuvre aujourd’hui des systèmes de multiples filtres de type « smart curation », par exemple les playlists « Discovery’s Weekly » de Spotify : elles sont toutes « customizées » et s’appuient sur un triple filtre de recommandations algorithmées, d’influenceurs et avec une personnalisation (Pasick, 2015 ; Peters, 2016). La machine plus l’humain.

En définitive, la « critique » culturelle est en train de vivre une transformation radicale du fait de la montée en puissance des algorithmes, des influenceurs et de la curation.

 

La régulation

Face à ces mutations de grande ampleur, de nombreux auteurs techno-sceptiques ou carrément critiques – qu’ils se situent dans une inspiration libertarienne, post-marxiste, illibérale ou simplement « biélorusse » – ont dénoncé les risques de dérives ou les excès d’Internet (Auletta, 2009 ; Morozov, 2011 ; Turkle, 2012 ; Lanier, 2013 ; Turkle, 2015 ; Bratton, 2016 ; Taplin, 2017). De nouvelles problématiques ont également émergé en terme de régulation et d’éducation au numérique.

Ces questions ne sont pas neuves : aux États-Unis même, le président Franklin Roosevelt avait, dès les années 1930, mis en oeuvre des formes de régulation et de « fair competition » dans l’économie de marché et créé les grandes agences qui, près d’un siècle plus tard, continuent à réguler le secteur de la communication, notamment la Federal Communications Commission et la Federal Trade Commission (Starr, 2004 ; Einstein, 2004). La « fairness doctrine » de la FCC, mise en œuvre essentiellement entre 1949 et 1987, continue à être étudiée (Einstein, 2004). La direction « antitrust » du Department of Justice (DoJ) et la National Telecommunications & Information Agency (NTIA), qui dépend du ministère du Commerce, contribuent également à réguler les télécommunications et le numérique. Enfin, c’est la Cour Suprême qui a un rôle central pour protéger la vie privée et les données des Américains (décision très protectrice Katz v. United States en 1967 et décision moins favorable Smith v. Maryland en 1979), comme elle fut déjà active pour réguler l’industrie du cinéma et Hollywood (décision United States v. Paramount Pictures en 1948).

Autour de cette tradition américaine de régulation, un important débat existe aujourd’hui sur la nécessité de réguler les GAFA, de protéger les données des utilisateurs ou de défendre le copyright. De nombreux travaux intéressent ici la politique culturelle, qu’ils soient généralistes (Lescure, 2013 ; Martel, 2014) ou propres à des questions ou secteurs particuliers : la reterritorialisation des données (Colin/Colin, 2013 ; Mayer-Schonberger/ Cukier, 2013), le fonctionnement des algorithmes (Cardon, 2015 ; Oremus, 2016 ; Christian/Griffiths, 2016 ; Jean, 2019), l’antitrust (Reback, 2009), l’économie de l’attention (Citton, 2014), la transformation de l’édition (Borsuk, 2018), le commerce des livres par Amazon (Packer, 2014), l’économie de la presse (Cagé, 2015), la rémunération des données ou même la décélération des réseaux sociaux (Lanier, 2018 ; Colin, 2018 ; Léger, 2018). Une partie du débat sur le copyright à l’âge numérique se situe également dans cette lignée avec de nouvelles approches de lutte contre le piratage après l’échec des sanctions disproportionnées : seule une offre légale large, à des prix raisonnables, semble être rééllement efficace (Lessig, 2004 ; Palfrey, 2011 ; Durrer/Miller/O’Brien, 2019).

Parallèlement, la « digital literacy » et l’éducation au numérique sont devenues des priorités pour enseigner l’esprit critique aux jeunes générations (et même à l’ensemble de la société) quant aux usages des réseaux sociaux, aux fake news (McIntyre, 2018), au narcissisme, à la vaine notoriété (Lanier, 2013) ou au « déluge » d’informations (Gleick, 2011). Déjà, de nombreuses bibliothèques, notamment aux États-Unis, ont fait de la « digital literacy » l’une de leurs priorités, sinon leur cœur de métier. On parle d’ailleurs outre-Atlantique de « BiblioTechs », ces nouvelles bibliothèques sans livres, financées par le ministère du commerce américain (NTIA), telles la Bexar County Digital Library à San Antonio au Texas, qui propose à ses usagers des e-readers, des ordinateurs et 10 000 ebooks – mais plus aucun livre papier. La « digital literacy » peut devenir une vraie politique éducative et artistique, si on la conçoit dans toutes ses acceptions : apprendre à « lire » le web, se former aux outils, enseigner la protection de la vie privée, valoriser le droit d’auteur, s’alphabétiser digitalement, apprendre à créer sur internet sous la forme de mashup ou d’hackaton par exemple (Cardon, 2019).  Le « re-training » et la formation continue seront de plus en plus essentiels pour les artistes comme pour l’ensemble de la classe créative (KEA, 2019).

 

L’art numérique

 

Enfin, les politiques culturelles sont nécessairement concernées par l’élargissement de l’art, sous toutes ses formes, au numérique et à ce qu’on appelait encore récemment « new-media art ». L’art contemporain étant aujourd’hui intrinséquement digital – le numérique intervenant souvent à un niveau ou un autre de la production artistique –, l’expression « art numérique » est devenue une sorte de pléonasme. De fait, la frontière entre l’art et la technologie s’est considérablement estompée, l’interdisciplinarité devient la norme alors qu’un art « post-digital », déjà, s’annonce (Bourriaud, 1998 ; Stallabrass, 2003 ; Colson, 2007 ; Wands, 2007 ; Paul, 2008 ; Couchot/Hillaire, 2009 ; Aziosmanoff, 2010 ; Bishop, 2017).

Une véritable écriture « numérique » est apparue, dont la diversité de codes, de formes et de langages est évidente (youtubers, booktubers, instagrammers, auteurs de podcasts, de posts, de tweets, de tutos, de MOOCs ou de formats courts, et nouvelles esthétiques de narrations etc.). Les réseaux sociaux deviennent centraux dans la production de contenus artistiques (Davies 2016a ; Davies 2017) ; l’interdisciplinarité prime ; les formats se diversifient à l’infini ; le code informatique devient art (Blais/Ippolito, 2006) ; le « mélange », le mix et le remix se croisent (Lessig, 2008) ; l’art par algorithme émerge (Finn, 2018) etc. Déjà, de nouveaux bouleversements se précisent qui affecteront nécessairement les arts, comme l’Intelligence Artificielle, la Réalité Virtuelle, la Réalité Augmentée, l’Internet des Objets, les enceintes connectées, les cryptomonnaies ou la blockchain (Engasser, 2017 ; Reyburn, 2018 ; Finn, 2018 ; Rothman, 2018 ; Hui, 2019 ; KEA, 2019 ; Davies, 2019). Certains se demandent même si la prochaine révolution artistique ne sera pas faite par un artiste-ordinateur quand, déjà, des symphonies ou des œuvres d’art visuel sont générées par l’Intelligence artificielle. L’art-Machine est en marche !

Le monde de l’art est donc en train de changer considérablement et de plus en plus radicalement. Il est important d’analyser ces « écritures », ce « style » et ces « formes » à la fois dans la lignée des grands critiques, tels que Roland Barthes, Serge Daney, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Jean-Luc Godard, Gérard Genette, Marshall McLuhan ou Susan Sontag, parmi d’autres, ainsi que dans un nécessaire renouvellement des outils conceptuels, lequel est encore en gestation (Bourriaud, 1998 ; Colson, 2007 ; Hanna, 2009 ; Cardon, 2019). En définitive, c’est une véritable « sémiologie » des internets et des réseaux sociaux qui est en train de naître, et même une « poétique », qui s’inscrit dans la dynamique de la formule célèbre de Jean-Luc Godard sur le cinéma : « Le cinéma est une pensée qui prend forme, une forme qui pense. » Le numérique est une forme qui pense.

III – Nouvelles politiques culturelles à l’âge de l’algorithme

 

La transition numérique engendre une transition artistique et, par conséquence, un changement de paradigme des politiques culturelles. Qui se renouvellent à tous les niveaux – villes, universités, Europe – et s’accompagnent d’un bouleversement des modèles de rémunération des artistes, ou des systèmes philanthropiques. Ainsi, la politique culturelle se trouve, directement ou indirectement, révolutionnée.

 

L’Europe

Depuis le traité de Maastricht, en 1992, l’Union européenne s’est vu confier des compétences dans le domaine culturel. Celles-ci ont été précisées par la suite ou complétées (directive SMA, droit d’auteur, Europe créative, défense de la copie privée, TTIP US/UE etc.), même si ce modèle singulier de financement de la culture demeure limité. Désormais, le secteur culturel et créatif fait certes l’objet d’une attention grandissante au sein des institutions européennes en raison de son poids économique, de son attractivité touristique ou de son « soft power » mais les politiques publiques dédiées font encore largement défaut. De plus, l’action est dispersé dans différents portefeuilles de différents commissaires (marché intérieur, concurrence, Service Européen d’Action Extérieure etc.). Ce modèle de politique culturelle européenne est-il efficace ? Est-il suffisamment visible dans un monde globalisé ? A-t-il réussi à s’adapter à la transition numérique ? Beaucoup s’interrogent (Henze/Wolfram, 2014 ; Durrer/Miller/O’Brien, 2019) ; d’autres multiplient les propositions pour sa modernisation à l’heure digitale afin qu’il réponde concrètement aux besoins du secteur culturel en Europe (KEA, 2019). L’idée de créer un Erasmus pour les artistes, qui serait réservé aux moins de 35 ans, est en train de faire son chemin pour favoriser une plus grande circulation des jeunes artistes.

Il faut également dire que les enjeux de la question culturelle ont été souvent mêlés, au niveau européen, avec ceux de l’ « exception culturelle » et de la « diversité culturelle ». Depuis au moins une décennie, la culture a même été intégrée, et parfois instrumentalisée, aux controverses sur l’ « identité nationale » ; elle a pu être utilisée comme « lieu de mémoire » ou symbole « vivant » du récit national. La généalogie de cette obsession a été étudiée, par exemple pour la France (Vlassis, 2015 ; Martigny, 2016). Plus récemment, en 2019, la création d’un portefeuille de commissaire en charge de la « Protection du mode de vie européen » a suscité une vive polémique au sein de l’Union européenne (son nom a été changé par la suite) alors même que le poste de commissaire à la « culture » était supprimé – une polémique qui confirme à la fois ce souci et cette tension. Au lieu de défendre une improbable « identité » ou « mode de vie » européens uniques, peut-être faut-il penser l’Europe comme un territoire pluriel, avec sa diversité de langues et ses « identités multiples » (Sen, 2006 ; Judt, 2007).

 

La ville créative

 

Dans la lignée de certains travaux prémonitoires (Garreau, 1991 ; Castells, 1998 ; Mitchell, 1999), la ville créative et digitale est devenue un concept à la mode depuis les années 2000, notamment avec l’expression « smart city ». Force est de constater qu’une littérature très abondante existe dans ce domaine. De nombreux chercheurs en ont proposé des définitions, des typologies ou des approfondissements, avec des visions plus culturelles ou plus digitales (Etzkowitz, 2008 ; Townsend, 2013 ; Satyam/Calzada, 2017 ; Heller, 2017). Pourtant, nous manquons aujourd’hui d’une analyse comparative sérieuse sur la pertinence de ces concepts et sur leur efficacité tant économique que créative (Afonso, 2012 ; Glaeser, 2012 ; Karvonen/Cugurullo/Caprotti, 2018).

Au-delà des débats sur les « smart cities », l’importance de l’économie culturelle dans le développement des villes a été également démontré. Des études générales le confirment (Clark/Bartlett, 2011 ; Crossick/Kaszynska, 2016 ; Kangas/Duxbury, 2018), ainsi que des études géographiques particulières, fort nombreuses, comme par exemple en Europe où le secteur compterait plus de 6,7 millions d’emplois (KEA, 2019), à New York (Currid, 2007), Seattle (Beyers/Bonds/Wenzl/Sommers, 2004), en Israël (Senor/Singer, 2009) ainsi qu’à Londres où la culture représenterait la troisième source d’emploi (Pratt, 2009). Miser sur la culture correspond donc à un « investissement solide » en terme de développement économique (Borrup, 2006 ; Goldbard, 2006 ; Henze/Wolfram, 2014 ; Crossick/Kaszynska, 2016). Cette unanimité des études économiques semble quelque peu étonnante, et plus encore l’enthousiasme des élus locaux pour ces idées, trop beau pour être entièrement juste, au point qu’on peut en discuter la pertinence.

A un niveau plus « micro », les villes ont également développé des « espaces » culturels qui ont fait l’objet de beaucoup d’attention. Qu’il s’agisse de « tiers lieux », d’espaces de « co-working », de makerspaces, hackerspaces, incubateurs, fablabs, accélérateurs, making labs, ou de simples « garages » – avec toutes les nuances précises qui distinguent ces expressions – des chercheurs ont tenté de comprendre ceux qui étaient les plus appropriés au développement de la création, ceux qui favorisent vraiment l’innovation, la collaboration, ou l’interaction avec les autres secteurs artistiques (Burret, 2015 ; Graves, 2016 ; McGrath, 2018 ; Bradbury/O’Hara, 2019). L’importance des « communautés » qui rendent possibles ces lieux mérite également d’être étudiée, tout comme le mouvement des résidences d’artistes.

En fin de compte, à travers ces débats, on constate que les artistes sont de moins en moins financés en tant qu’individus et de plus en plus souvent à travers des « lieux » ; de même, les musées ont tendance à privilégier leur grandeur architecturale plutôt que leur programmation esthétique (Woronkowicz/et al, 2012). Des évolutions qui ont déjà de nombreuses conséquences et qui posent la question d’une créativité des espaces et des villes plutôt qu’une créativité des artistes (Florida, 2002 ; Glaeser, 2012).

 

Mesurer et évaluer l’efficacité des politiques culturelles

Les sciences sociales ont toujours été soucieuses de démontrer leur efficacité (Grawitz, 1964). Aujourd’hui, la pression des élus, des fondations, des philanthropes s’accentue pour imposer une efficacité à l’art et des évaluations. C’est vrai jusqu’aux secteurs artistiques subventionnés ou à but non lucratifs (les lois du marché exercent par nature cette pression sur les industries culturelles).

L’évaluation des politiques culturelles est donc un domaine en fort développement (Jackson/Kabwasa-Green/Herranz, 2006 ; Borrup, 2006 ; Goldbard, 2006 ; Pratt, 2009 ; Crossick/Kaszynska, 2016 ; Rosenstein, 2019). Le critère touristique apparaît de plus central dans cette évaluation ; de même que les index sinon les palmarès (Florida, 2002). Et comme l’investissement vise à améliorer la « communauté », plus que la vie des artistes, il arrive que l’on s’interroge s’il s’agit encore de politique culturelle ou simplement de politique de la ville (Glaeser, 2012 ; Grams/Farrell, 2008).

Les artistes et les organisations culturelles sont donc pressés de fournir des arguments tangibles en guise de réponse – et des chiffres ! Hélas, peu d’outils et de travaux scientifiques exigeants, ou simplement innovants, existent pour valider ces politiques, quand ces méthodes d’évaluation ne sont pas tout simplement bricolées ou artificielles. De nouveaux travaux existent cependant, en dépit des contrastes régionaux (Clark, 2014). Ainsi de l’approche par la « cultural value » (la valeur des arts et de la culture et leurs apports pour la société et pour les individus) qui est d’autant plus féconde qu’elle tente de s’appuyer sur une méthodologie scientifique nouvelle (Crossick/Kaszynska, 2016). Ainsi encore de l’idée, bien documentée, selon laquelle il est important de nourrir des communautés vivantes pour porter des projets culturels (Putnam, 2000 ; Borrup, 2006 ; Goldbard, 2006 ; Cornfield, 2018). Ou encore les tentatives du Conseil de l’Europe avec la fondation néerlandaise Boekman (Compendium of Cultural Policies & Trends et voir le site www.culturalpolicies.net/). Une autre piste intéressante pourrait être envisagée dans la lignée des méthodes d’évaluation quant à l’efficacité des politiques de développement, telles qu’elles ont été utilisées par Abhijit Banerjee et Esther Duflo : articulées à une analyse fine sur le terrain, ces chercheurs ont mis au point au J-PAL, leur laboratoire au MIT, des « Randomized Controlled Trials » (RCT) dont la politique culturelle pourrait chercher à s’inspirer (Duflo, 2019 ; Banerjee/Duflo, 2011).

Enfin, il faut citer ici les travaux innovants sur la qualité de vie et le « community well being » qui commencent à prendre en compte, quoiqu’encore timidement, la vie culturelle. Dans la lignée de travaux antérieurs (Stiglitz/Sen/Fitoussi, 2009 ; Nussbaum/Sen, 1993), la culture apparaît désormais dans les études et les indices sur le bien-être et la qualité de vie (Michalos, 2005).

 

Les nouveaux modèles économiques des artistes

Dans un environnement très changeant, la vie économique des artistes est, elle aussi, en grande transformation. On observe ici plusieurs évolutions majeures, parfois imbriquées les unes aux autres, parfois contradictoires.

D’abord, les métiers artistiques et créatifs semblent plus mobiles. La mobilité des artistes est grande, notamment d’une ville à l’autre ou d’un État à l’autre aux États-Unis où elle a été bien étudiée (Markusen, 2006 ; Markusen, 2018), mais cela semble également vrai en Europe (KEA, 2019).

On observe ensuite une grande flexibilité de travail chez les artistes. Ce phénomène n’est pas nouveau (Menger, 1983 ; Menger, 2003) mais il s’est accentué avec la généralisation d’une véritable « gig-economy » dans le secteur artistique. Des recherches récentes, et dans plusieurs pays, montrent que les artistes sont désormais fréquemment sous un statut d’ « auto-entrepreneurs », de « start-uppers » ou de « free-lancers », ce qui s’explique par la nécessité de gérer de multiples contrats de travail, de bénéficier d’une certaine protection sociale ou est le résultat de considérations fiscales (Scherdin/Zander, 2011 ; Woronkowicz/Noonan, 2019). Cette généralisation du « self-employment » chez les artistes est bien documenté et elle apparaît de manière disproportionnée par rapport aux autres catégories professionnelles : 33 % des artiste américains seraient auto-entrepreneurs, soit quatre fois plus que le reste de la population ; parmi eux : 65 % des écrivains, 57 % des artistes visuels, 41 % des musiciens, 37 % des acteurs, 36 % des performing artists, 32 % des designers, 28 % des architectes (Markusen, 2020). Ainsi, les artistes – et les « slash artists », comme je les ai nommés dans un article parce qu’ils travaillent dans différents secteurs comme, par exemple, photographie/design/visual arts (Martel, 2018) – seraient le symbole de cette « gig economy » ou de l’« art entrepreneurship » (Woronkowicz/Noonan, 2018 ; Woronkowicz, 2020) ; ce qui s’accompagne, selon certains chercheurs, de leur paupérisation (Abbing, 2002), de la nécessité d’un succès rapide (avant la barre fatidique des trente ans, âge considéré ironiquement comme « the artist death by 30 ») ou au contraire leur fleurissement (Johnson, 2015). Une autre tendance de la recherche actuelle concerne la nature de cette activité artistique, artisanale et en mode « gig economy », et en quoi elle préfigure l’intermittence ou la flexibilité du monde du travail plus généralement (Menger, 2014). Ainsi, la condition artistique ne serait pas aussi atypique qu’on le dit puisqu’elle annoncerait les emplois à venir.

Ce faisant, et en lien avec la transition numérique, de nouveaux modèles économiques sont apparus, une véritable « économie positive » dont profitent pleinement les artistes (Johnson, 2015 ; Weckerle, 2018 ; Martel, 2018), quoique parfois inégalement (Erricojan, 2016).

S’ils se déplacent géographiquement, s’ils changent de statut professionnel et de modèles économiques, les artistes s’aventurent également au-delà de leur « zone de confort ». Leurs compétences créatives seraient de plus en plus recherchées dans le monde du travail en général (interactive design, animation, IA, réseau, données, publicité etc.). Ce mouvement a plusieurs facettes et on parle parfois d’ « embedded artist » pour définir le travail artistique hors de la sphère culturelle, les relations entre arts et entrepreneurs ou les compétences artistiques nécessaires dans d’autres secteurs non-culturels d’activité où l’innovation est importante – avec le débat sur la « transférabilité » de ces compétences artistiques (Wickert/Martel, 2020 ; Markusen, 2020 ; Woronkowicz, 2020). Avec ce processus, la « classe créative » s’élargit au-delà des frontières traditionnelles de l’art vers des terrains « non-artistiques » alors même que certains « non-artistes » travaillent de plus en plus fréquemment dans des domaines artistiques.

 

Les nouvelles philanthropies

 Alors que les modèles économiques des artistes sont en mutation, d’autres pans des politiques culturelles se transforment également. Ainsi des subventions publiques pour la culture qui ont tendance à diminuer, comme aux États-Unis, mais aussi dans des pays où elles paraissaient plus solides, par exemple en Belgique, en Allemagne et même en France (Feder/Katz-Gero, 2015). De même, les politiques fiscales connaissent des évolutions (Rosenstein, 2019).

De son côté, la philanthropie change, alors qu’elle constitue dans de nombreux pays la base du financement de la culture. Cette transformation n’est pas forcément négative comme l’atteste l’importance accrue de la philanthropie locale ou régionale aux États-Unis (fondation Irvine en Californie, William Penn à Philadelphie, Gilman à New York, les fondations Barr ou Cummings à Boston, Hewlett à San Francisco, Kresge à Détroit etc.). Mais, plus souvent, les fondations et les philanthropes américains ont tendance à changer de priorités, en mettant l’accent sur l’égalité raciale plus que sur les arts (fondation Ford, Carnegie, John D. and Catherine T. MacArthur, The Rockefeller Brothers Fund etc.). Et même quand les arts restent au cœur de leur agenda (Andrew Mellon, Luce, Doris Duke, Terra, Surdna, ArtBridges etc.), ces fondations ont tendance à concentrer leurs efforts sur le développement culturel dans les quartiers en difficultés ou les projets liés à la diversité. On observe donc une lente transformation : les aides qui visaient hier à promouvoir l’ « excellence » artistique ont tendance à venir en support au développement économique, à la régénération urbaine ou à la diversité (Grodach/Silver, 2012 ; Crossick/Kaszynska, 2016).

La place des artistes dans l’université

 

Si en Europe la place des artistes à l’université reste fragile – et tout particulièrement en France et en Allemagne –, il n’en va pas ainsi dans d’autres pays. Aux États-Unis, l’université est au cœur du modèle culturel, non à sa marge : lieux de formation et de travail amateur d’une part, mais aussi lieux de présentation d’expositions et de spectacles professionnels, les universités américaines contribuent également à la recherche et au développement des studios dans le secteur du cinéma hollywoodien, à l’expérimentation et au « try out » dans le domaine du théâtre, à la diversité de la production éditoriale grâce aux presses universitaires, à la présentation de l’innovation dans les arts visuels ou encore à la persistance de formations de musique classique (Martel, 2006). Un grand nombre de ces activités sont des sources de financement majeures pour les artistes et ce d’autant plus que le Master of Fine Arts (MFA) s’impose désormais comme le diplôme de référence artistique généraliste dans la profession. A cela, il faut ajouter le développement intéressant de la « recherche-création » et des « artist-researchers », ces artistes salariés ou contractualisés par les universités dans lesquelles ils effectuent leurs recherches et expérimentent, l’objectif étant de créer des interactions entre la recherche scientifique et la création artistique – une véritable hybridation (Manning/Massumi, 2018 ; Citton, 2018 ; Delacourt, 2019).

Ce développement culturel dans les universités est important car, au-delà des sources de financement qu’il peut apporter aux artistes, il permet aussi de délimiter « l’art », avec ses financements propres, son expérimentation et sa prise de risque hors du marché et, d’autre part, les industries créatives qui appartiennent sans ambiguïtés à l’économie de marché. On a là une évolution intéressante qui permet, par exemple pour le cinéma, de rattacher sa partie la plus artistique à l’art contemporain et aux arts visuels – avec les objectifs d’audience limités et des financements adéquats – et de le distinguer de l’industrie ou du système des multiplexes. Cette séparation, qui ne peut pas être arbitraire ni rigide, pourrait permettre à une partie de la culture de retrouver des financements sans être sous la pression du marché.

 

IV – New futures : les questions qui viennent

 

Au-delà des évolutions économiques qui ont fait l’objet de nombreuses études par les chercheurs de la politique culturelle, on peut terminer cet article – largement bibliographique – par la mise en lumière de nouvelles problématiques qui pourraient contribuer fortement à changer les politiques culturelles. Deux questions – la diversité et l’environnement – me paraissent particulièrement significative pour les années à venir.

 

DEI (Diversity, Equity, Inclusion)

La première question, celle de la « diversité » au sens large, n’est guère nouvelle. Sa montée en puissance dans la politique américaine en général, et dans la politique culturelle aux États-Unis, date des années 1965-1978 (Martel, 2006) et elle est devenue centrale aujourd’hui. Les problématiques de parité hommes-femmes, d’égalité de genres ou de diversités sexuelles sont également de plus en plus prégnantes en Europe (KEA, 2019).

Que ce soit en terme de visibilité, d’esthétique ou de représentation, depuis les conseils d’administration des institutions culturelles jusqu’aux nominations des directeurs d’établissements culturels, la question de la diversité se pose partout. Parfois, ce combat peut apparaître quelque peu hypocrite lorsque des pays comme la France, la Belgique ou le Canada luttent activement en faveur de la diversité culturelle à l’international (c’est-à-dire le plus souvent contre les États-Unis pour défendre leur production culturelle nationale) alors même qu’ils abandonnent ce noble souci à domicile, par exemple pour les aborigènes, les autochtones, les populations d’origines arabes ou les langues régionales. Quant aux États-Unis qui militent activement pour la diversité culturelle sur leur territoire, ils ont tendance à la nier à l’international pour imposer leurs productions culturelles. Deux mondes à fronts renversés – et la même hypocrisie. (Martel, 2006).

De fait, la question des migrants apparaît aujourd’hui comme une thématique centrale pour les artistes, ce dont témoigne la création de nombreux collectifs de créateurs en faveur des migrants ou encore la nature cosmopolite des artistes et leur propre mobilité (Katz-Gero, 2018).

Enfin, des débats plus récents, comme celui de la critique de l’ « appropriation culturelle », contribuent également à l’émergence d’un discours plus radical, articulé à la question de la diversité.

Une culture durable

 

De même que la diversité apparaît désormais comme l’une des questions majeures des politiques culturelles, on peut également pronostiquer que celle de l’environnement devrait devenir à son tour de plus en plus centrale (KEA, 2019). Dans un ouvrage roboratif, Félix Guattari a défini précocement « trois registres écologiques : celui de l’environnement, celui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine ». Il a ainsi appelé de ses vœux une triple et « authentique révolution politique, sociale et culturelle », insistant, pour cette dernière, sur la nécessité de « forger de nouveaux paradigmes […] d’inspiration éthico-esthétiques ». Enfin, il fallait, selon lui, concevoir et opérer ces trois changements de paradigme « d’un même tenant » (Guattari, 1989).

Dans la même veine, ou en empruntant une autre lignée, différents auteurs ont défendu ou simplement montré la nécessité d’une articulation entre l’art et l’environnement. Celle-ci peut s’opèrer à travers au moins trois modes : le premier, post Guattarien, est philosophique et il revient à créer de nouveaux paradigmes et de nouvelles théories artistiques afin que l’art puisse se développer en harmonie avec les environnements qu’il habite, y compris non-humains (Latour, 2015 ; Latour, 2017). Le deuxième est esthétique et il concerne le champ désormais très substantiel de l’art et des artistes qui prennent pour objet direct ou indirect l’environnement, depuis le Land Art jusqu’aux collectifs artistiques environnementaux (Parti poétique ; Coal ; Thanks for nothing etc.). Le troisième, enfin, plus politique, au croisement de l’art et de l’engagement, concerne la prise en compte de l’écologie par les artistes et les institutions culturelles, par exemple en refusant les décors temporaires, les catalogues d’exposition mis au pilon ou les cimaises jetables. Cette préoccupation environnementale se traduit déjà par une volonté affichée de privilégier les structures artistiques écologiques, de renouveler la réflexion sur la conservation des œuvres (Lerner, 2016) ou de nommer des « référents écologie » dans certaines institutions artistiques (par exemple à la Tate Modern de Londres qui s’auto-définit comme un « more environmentally friendly museum »).

Ces débats atteignent également les arts digitaux. La question du coût environnemental du numérique se pose de manière accrue du fait de la nature très énergivore du réseau et du cloud, ainsi que des centres de stockage, sans parler de l’utilisation de métaux rares ou de l’obsolescence programmée, même s’il existe sur ce sujet des études contradictoires (Flipo/Dobré/Michot, 2013). Ces exemples et ces évolutions de fond laissent penser que l’écologie est en train de devenir centrale dans la culture : une nouvelle articulation entre les transitions numériques, culturelles et écologiques s’annonce ; les industries et les politiques culturelles ne pourront plus l’ignorer (Portney, 2015 ; Vidalenc ; 2019).

Enfin, et pour plusieurs raisons évoquées dans cet article, on observe aujourd’hui l’émergence de nouvelles radicalités artistiques que ce soit dans le domaine de l’environnement, celui de la diversité culturelle, du numérique et même de la politique culturelle. Face à la domination des industries créatives et à l’hégémonie des GAFA, ou pour dénoncer les ratés des politiques culturelles, un nouvel « activisme artistique » apparaît. Des collectifs artistiques radicaux se multiplient (Tactical Tech, Reclaim the Streets, Les Périphériques vous parlent, Ne Pas Plier, Gaz à tous les étages, collectifs artistiques autour des ZAD, « dispositifs poétiques » etc. ; et voir Hanna, 2010). Tout un mouvement néo-bohémien, néo-forain, hacker, collaboratif, et parfois néo-hippie se développe – ce qu’illustre pour une part le festival Burning Man dans le désert du Névada, où j’ai pu constater que les dimensions non lucratives, environnementales et artistiques se mêlaient (Himanen, 2001 ; Lloyd, 2005 ; Martel, 2016 ; Shister, 2019). D’autres expérimentations existent, comme les « alter économies culturelles », les collectifs de « contre-politique culturelle », le développement des formes « infra » ou « under-commons » dans les politiques de la culture (Harney/Moten, 2013) ou encore la réappropriation par certains groupes d’artistes de leurs moyens de production, par exemple les musiciens de country de Nashville (Cornfield, 2018). Pour une part, la notion d’ « artiste entrepreneur », pour marchande qu’elle puisse être et en rupture avec le modèle bohémien classique, correspond aussi à un désir d’autonomie et d’émancipation de toute « tutelle », et parfois même, puisqu’elles apparaissent taries ou en diminution constante, de toutes subventions.

 

Conclusion : la « nouvelle » politique culturelle

 

Alors que la « politique culturelle » était une discipline relativement récente et qu’elle cherchait encore sa légitimité dans le monde académique, elle a été contrainte de subir la transition numérique au début du « siècle digital ». Et comme les questions de « diversité » et l’écologie devraient contribuer à redessiner la politique culturelle une fois encore, on peut tenter de définir ce secteur comme étant, par nature et intrinséquement, en constante mutation.

Pour la penser désormais, il faut donc à la fois la saisir dans cette transformation permanente et en élargir le champ constamment pour lui permettre d’appréhender les disciplines artistiques anciennes, trop longtemps négligées, et celles, nouvelles, qui émergent. Il convient également de l’appréhender au-delà de la seule sphère de la politique publique, afin de l’étendre à de nombreux acteurs décisifs, publics, à but non lucratifs et commerciaux. Il s’agit donc, au sens large, de penser une véritable « politique de la culture » (Martel, 2006).

Comme cet article nous y invite à partir d’une recension des principales études publiées ces dernières années, il faudrait donc élargir la notion de « politique culturelle » à ses différentes – et nouvelles – composantes actuelles, au-delà de la seule politique artistique : l’économie de la culture (et les nouvelles sources de financement) ; les industries culturelles qui doivent être au cœur des politiques culturelles et non plus à ses marges ; la politique digitale et la régulation des plateformes numériques ; les nouvelles philanthropies ; l’éducation artistique ; la connaissance des algorithmes ; la ville créative, les lieux d’incubation et la revitalisation urbaine ; les réseaux sociaux ; les start-ups et l’entrepreneuriat culturel ; la diplomatie culturelle ; la classe créative ; le soft power ; la politique fiscale et ses déductions ; la politique culturelle européenne ; les télécoms et leur régulation ; le droit des consommateurs et ce que j’ai appelé les « micropolitiques » de la culture.

Voilà pourquoi il est nécessaire d’enseigner désormais la politique de la culture dans les établissements artistiques et, au-delà, dans de multiples formations universitaires afin de permettre aux artistes de se former tout au long de leur carrière, et aux « non-artistes » d’approcher les codes de l’innovation et de la prise de risque artistique. En dépit de ses mutations récentes qui sont donc consubstantielles de sa jeune histoire, la politique de la culture est en train d’apparaître, en ce « siècle digital », comme une discipline à part entière (Bennett, 2019 ; Durrer/Miller/O’Brien, 2019).

 

 

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– RADIO : CMJ New Music Report ; podcasts : magellan.ai